L'autorité

 

La première année, les professeurs d'école sortant de formation bénéficient d'un poste réservé, c'est à dire d'une classe agréable et assez facile. Mais il y a les autres années, entre ce démarrage en douceur et le jour où, fort d'un barème suffisant, ils pourront prétendre à une classe plus facile.

 

Entre temps, ils risquent d'atterrir dans une école dite "sensible", dans laquelle les élèves sont peu impliqués dans leur scolarité et très peu disciplinés. Pour le jeune enseignant débutant qui cache difficilement son appréhension et son manque d'assurance, cela revient parfois à se retrouver dans la cage aux lions.

 

Et pourtant, certains arrivent à tenir leur classe, à la faire travailler et à tirer des satisfactions de leur travail. Comment font-ils ?

 

Dès la rentrée, il faut se montrer très ferme, même si les élèves ont l'air intimidés. Avant même d'entrer en classe, demander le silence et un rang calme. Enoncer les règles (et ensuite s'y tenir) : dire ce qui ne sera pas toléré et les sanctions prévues. Plus tard, après quelques jours ou quelques semaines, il sera temps de créer des liens, d'être plus amical avec les élèves, mais il ne faut pas être trop souple dès le début, car c'est ensuite impossible de faire marche arrière.

 

Ensuite, faire en sorte de motiver et intéresser les élèves. Cela représente un travail de préparation énorme, mais indispensable. Les élèves dissipés, peu motivés par leur scolarité, très indisciplinés, ne se contenteront pas d'une façon de travailler trop monotone. Pour les intéresser et les mobiliser, il faut mettre en place des projets, les faire participer, les faire travailler de façon plus ludique, inédite, active. Il faut les faire créer : un journal, une pièce de théâtre, des poèmes, des fresques à base de tags... S'ils comprennent que la grammaire, l'orthographe, le calcul et les différentes leçons qui leur semblent rébarbatives, vont leur servir pour leurs projets, ils réussiront à s'y contraindre.

 

Il faut éviter de parler trop longuement. Il faut être concis et laisser les élèves passifs le moins longtemps possible. Ne pas préciser à l'oral ce qui peut être montré au tableau (un schéma remplace parfois un long discours), demander aux élèves de donner des exemples lorsqu'ils ont compris de quoi parle la nouvelle notion étudiée, de proposer le texte de la trace écrite qui sera copiée dans le cahier de leçons. Si l'on veut des élèves calmes, il faut les occuper. S'ils doivent écouter passivement, ils s'agitent.

 

Si l'on attend que des élèves difficiles et agités fassent l'effort de se tenir correctement, il faut aussi créer un lien affectif. Ce sont des élèves qui ont une mauvaise estime d'eux-mêmes, car ils ont reçu plus souvent des reproches que des compliments, que ce soit sur leur comportement ou sur leur réussite scolaire. Peu sûrs d'eux et de leurs capacités, ils sont très susceptibles. Il faut éviter de leur faire des remarques négatives en public (et bien sûr ne jamais les humilier, comme tout élève d'ailleurs) et s'efforcer d'être juste. Ils sont très sensibles à l'injustice car elle signifie pour eux, s'ils s'en croient victimes, qu'ils ne comptent pas, qu'on ne leur reconnaît pas de valeur, qu'on ne les respecte pas.

 

Pour obtenir le meilleur d'un enfant difficile ou ingérable, il faut changer le regard qu'on a sur lui et qu'il porte sur lui-même. Il faut voir, et l'aider à voir, derrière son comportement inadapté, qu'il a des qualités et qu'on croit en ses qualités. Il faut lui montrer qu'on s'intéresse à lui et qu'on veut l'aider.

 

Je pense qu'il est très important de prendre un moment pendant les récréations pour discuter avec lui, lui dire, avec un ton bienveillant, qu'on veut l'aider à améliorer son comportement, qu'on sait qu'il se comporte mal parce qu'il n'a pas confiance en lui : il ne peut pas se faire remarquer par ses résultats scolaires et il a besoin de se faire remarquer en s'agitant en classe, en étant insolent, violent. Que tout ça révèle à quel point il a besoin de se montrer fort pour cacher sa fragilité et son manque d'assurance.

 

Un élève qui sent qu'il compte pour son enseignant changera inévitablement d'attitude.

 

Pour se sentir bien dans une classe, les élèves ont besoin de se sentir investis par leur enseignant. Pour cela, on peut leur montrer qu'on s'intéresse à eux et à leur vie : leur demander ce qu'ils ont fait le week-end, ce qu'ils aiment faire en dehors de l'école, ce qu'ils prévoient pour les vacances... On peut aussi commencer la journée par un "Quoi de neuf" : tous les matins, on prend 5 minutes et chacun peut dire ce qu'il a vu, entendu, appris d'intéressant depuis la veille, chez lui, dans son quartier, à la télé...

 

Afin de motiver des élèves peu "scolaires", il faut utiliser leurs centres d'intérêt. Proposer des questions de lecture sur un texte qui parle de foot, de films ou chanteurs à la mode, par exemple. Tant pis si le texte n'est pas d'une grande valeur littéraire, ce qui compte, là, c'est de donner envie aux élèves de le lire et d'y trouver des informations.

 

Enfin, ne restez pas seul. Face à un ou plusieurs élèves difficiles, il faut se faire épauler par les collègues, le psychologue scolaire, la médecine scolaire et les parents.